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JOURNAL IGF
*
FMI
VOLUME 25, N° 2
ALLÉGATIONS COURANTES AU SUJET DES RÉGIMES DE RETRAITE : RAPPORT AVEC LES RÉGIMES DE RETRAITE DU SECTEUR PUBLIC
à prestations déterminées du secteur
public seront toujours en une position de
non financement. Ce n’est pas forcément
le cas. Une insuffisance au niveau des
contributions aujourd’hui peut créer des
surplus demain. Un coût imposé au Trésor
public aujourd’hui peut se transformer en
un bienfait demain. Les commanditaires
des régimes sont tenus de verser les
sommes requises pour compenser en cas
d’une insuffisance des contributions et ont
droit de se prévaloir des surplus du régime
(montants qui pourraient servir à
réduire
un
déficit). Au cours des années 1990, certains
régimes comptaient des surplus parce que
le rendement des investissements des fonds
était bien supérieur aux attentes. On ne peut
pas tout avoir : si les surplus reviennent au
gouvernement/commanditaire
4
les déficits
aussi
5
.
Un surplus ou un déficit dans un fonds
de retraite à prestations déterminées
constitue une conclusion/construction
financière fondée sur un certain nombre
d’hypothèses qui peuvent ou non se
réaliser dans l’avenir. Fait important,
la déclaration d’un surplus par les
actuaires ne signifie pas forcément que
les obligations futures seront réglées à
l’aide des biens accumulés – ni qu’un
déficit signifie forcément que les biens ne
seront pas suffisants pour répondre aux
obligations requises
puisque qu’au moins
quelques-unes des hypothèses actuarielles
s’avéreront fautives.
« Pour cette raison, les
surplus et les déficits actuariels ne sont pas
des représentations définitives de l’état de
financement d’un régime et sont assujettis
à de grandes variations à mesure que les
hypothèses actuarielles changent »
6
.
Allégation : Les régimes de retraite
à cotisations déterminées sont la
réponse au problème et feront
épargner des fonds aux contribuables.
Il n’y a aucune certitude à cet égard. Si
on transfère des employés à un régime de
retraite à cotisations déterminées, on ne fait
que déplacer le risque, soit d’un important
groupe de personnes à l’employé individuel.
Le changement entraînerait toujours
des coûts pour les contribuables. En fait,
selon mon analyse, on pourrait s’attendre
à ce que les coûts pour les contribuables
augmentent de beaucoup par rapport à ce
que coûtent actuellement les régimes de
retraite à prestations déterminées. J’ai deux
raisons de soutenir cet argument.
La première : dans un contexte public
(FPO et une grande partie du secteur
public au sens large), faire la transition à un
régime de retraite à cotisations déterminées
n’éliminera pas la participation des
contribuables au régime parce que toutes
les cotisations au régime sont financées,
au bout du compte, par les contribuables.
Il en est ainsi parce que les cotisations des
employés selon la nouvelle méthodologie
proviendront toujours des salaires des
employés – qui sont pour la plupart des
travailleurs du secteur public payés par
les revenus d’impôt du gouvernement.
7
Il
est fort probable que les niveaux salariaux
généraux (l’argent des contribuables)
augmenteront pour contrer le risque de ne
pas pouvoir compter sur un niveau suffisant
de revenus (reportés) à la retraite.
La deuxième : on a démontré que les
régimesde retraiteàcotisationsdéterminées
qui sont gérés par des particuliers
8
présentent un rendement inférieur à celui
des régimes de retraite plus imposants et
à prestations déterminés qui sont confiés
à des gestionnaires professionnels
9
. Dans
un contexte canadien, ces faits ont une
incidence significative sur les personnes qui
arrivent à la retraite et les contribuables.
Prenons l’exemple d’une personne
souscrivant à un régime de retraite à
cotisations déterminées qui prend sa
retraite et qui reçoit des prestations moins
élevées, voire aucune, en période de creux
des marchés. La perte de revenu vient nuire
à son autonomie financière. Compte tenu
de cette perte d’autonomie financière, il
est probable que ces personnes dépendent
davantage des ressources de l’État (y
compris la Sécurité de la vieillesse, régime
sans capitalisation comportant tous les
problèmes connexes décrits ci-dessus
10
).
En particulier, on a démontré qu’une
moins grande autonomie financière
entraîne bien souvent de moins bons
résultats en termes de santé
11
(situation
découlant de facteurs négatifs tels que
l’augmentation du niveau de stress et une
alimentation moins saine, deux facteurs
qui ont une incidence sur l’état de santé et
qui sont directement liés aux inquiétudes
concernant le revenu).
Dans le contexte canadien, cette
6
P.4.
Vulnerabilities in Defined Benefit Pension
Plans
; document d’analyse 2007-3, Banque du
Canada, document de Jack Selody.
7
On pourrait faire valoir que les employés de
sociétés d’État sont des employés du secteur public
dont le salaire provient de revenus non fiscaux.
8
Ce n’est pas toujours le cas. Le régime
de retraite des travailleurs du secteur
public en Saskatchewan est un régime à
cotisations déterminées de gestion centralisée.
Saskatchewan s’est aussi doté d’un régime de
retraite à cotisations déterminées à gestion
centralisée, le Régime de pension de la
Saskatchewan (RPS).
4
Il y a un certain débat entourant le cadre
juridique dictant le type d’utilisations que
peuvent faire les commanditaires des régimes
des surplus accumulés. On traite de ce sujet
dans le rapport de la Commission d’experts en
régimes de retraite intitulé Un juste équilibre :
une retraite sûre, un régime abordable, des règles
équitables, à la section sur les régimes de retraite
à employeur unique (RREU). Il y a toutefois
jurisprudence, car des employeurs ont accédé à
des fonds de pension aux États-Unis.
« Les entreprises ont retiré 21 milliards de
dollars des régimes de pension de leurs employés
au cours des années 1980; en tout, près de 2 000
entreprises ont pigé dans les fonds de pension des
employés à hauteur d’au moins un million de
dollars chacun. »
Traduction libre d’un passage tiré de la p. 163
de « America: What Went Wrong » de Donald
L. Bartlett et James B. Steele. On retrouve aussi
dans cet ouvrage publié dans les années 1990
la déclaration prémonitoire suivante au sujet
des pensions : « attendons la guerre à venir
que se livreront les gens qui travaillent pour le
gouvernement et ceux qui ne travaillent pas pour
lui ».
5
L’employeur n’est pas forcément le seul
commanditaire du régime. Le Régime de
retraite du SEPFO et le Régime de retraite des
enseignants sont cocommandités. L’employeur
et les employés sont tout deux responsables
des insuffisances en matière de financement et
ont tout deux droit aux surplus. Le Régime de
pension de retraite de la fonction publique est un
régime à employeur unique.
9
« Les régimes à cotisations déterminées exigent
habituellement des montants de cotisations
plus importants que les régimes à prestations
déterminées pour arriver au même montant de
prestations de retraite… Un régime à prestations
déterminées coûte 34 % moins du point de vue
de l’employeur et de l’employé combinés qu’un
régime à cotisations déterminées pour offrir des
prestations comparables ». P. ii-iii :
Présentation à
la Commission d’experts en régimes de retraite par la
Commission du Régime de retraite des fonctionnaires
de l’Ontario, octobre 2007.
10
Dans les régimes de retraite sans capitalisation,
les nouveaux inscrits au régime s’acquittent
des obligations des prestataires de pension qui
jouissent actuellement des fruits du régime. Ce
mode de financement devient précaire lorsque le
nombre de retraités (les prestataires) est supérieur
au nombre de nouveaux inscrits (cotisants), comme
c’est le cas pour des raisons démographiques avec
les gens de la génération du « baby boom » qui
prennent leur retraite.
11
On sait depuis quelque temps déjà que mieux se
portent les gens en termes de revenus, de statut
social, de réseaux sociaux, de maîtrise de leur
vie, d’estime de soi et d’éducation, plus ils sont
en santé. Des revenus plus élevés sont associés
à un meilleur état de santé non seulement parce
que les personnes mieux nanties peuvent acheter
davantage de nourriture, de vêtements, d’abris
et d’autres denrées essentielles, mais aussi parce
que les personnes mieux nanties ont plus de
choix et peuvent dicter davantage les décisions
dans leur vie. Cette impression de sécurité
générale est indispensable à un bon état de santé.
Par conséquent, la sécurité de revenu est aussi
important que le niveau de revenu en soi.
»
(J’ai mis en gras la partie sur laquelle je souhaite
mettre l’accent.)
« More health care doesn’t mean
better health » : Globe and Mail, 5 septembre 2012
de Robert Brown.