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JOURNAL IGF
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FMI
VOLUME 25, N° 2
CONNAISSANCES TACITES : EXPÉRIENCE DE LA BUDGÉTISATION DANS LES SECTEURS PRIVÉ ET PUBLIC – PERSPECTIVE D’UN PRATICIEN
observations et suggestions contribueront
à réduire quelque peu le stress que subit
le praticien responsable d’un budget. À
mon arrivée sur le marché du travail, je
croyais que toutes les dépenses et toutes
les décisions touchant les dépenses
pouvaient être modélisées et quantifiées;
ce n’était pas surprenant compte tenu de
mon amour pour les mathématiques et
de ma formation en génie. J’ai appris que
cette hypothèse était en partie vraie, mais
pas tout à fait. Au cours des prochaines
années, comme par le passé, vous lirez
au sujet de projets publics accusant
d’importants dépassements de budgets.
De tels dépassements nous mènent
habituellement à nous poser la question : «
quel a été le problème? ». Je propose dans
le présent article des réponses potentielles
à cette question.
LES ÉLÉMENTS D’UN BUDGET
Le présent article porte sur les trois étapes
de la budgétisation : la planification, la
création et la surveillance.
La planification
Avant de créer le budget d’une entreprise
ou d’une organisation de services sans
but lucratif, les décideurs doivent savoir
quel est leur objectif final et comment
se rendre à cet objectif. Quel que soit
le vocabulaire technique employé
pour décrire ce processus, il s’agit tout
simplement de connaître l’objet à viser
et de savoir comment s’y rendre. On dit
habituellement que la destination finale
est l’objectif visé, qui peut représenter un
recoupement de plusieurs résultats. Le
processus qui nous permet d’atteindre cet
objectif s’appelle la stratégie.
Un plan est un élément indispensable
sur lequel fonder un budget. Créer un
budget sans d’abord connaître son objectif
final et sa stratégie est un exercice insensé.
La probabilité de respecter un budget
sans avoir d’abord dressé judicieusement
un plan équivaut à gagner à la loterie.
Le plan est à la base de la réussite ou
de l’échec. Nous ne saurons jamais à
quoi ressemblerait la réussite à moins
que nos objectifs soient bien définis.
Habituellement, il s’agit d’atteindre
un niveau de revenu particulier dans le
secteur privé ou de réussir la prestation
d’un service dans le secteur public.
Ceci dit, ce ne sont pas tous les éléments
d’un plan qui peuvent être quantifiés.
L’exemple suivant du secteur privé illustre
une situation non quantifiable. Mon
objectif dans le secteur de l’automobile
était de gagner le plus d’argent possible
et de faire grandir l’entreprise. L’objectif a
été réalisé par la vente d’autos, la vente de
pièces automobiles et les services à l’atelier.
Puisque je suis un homme de chiffres,
il m’a fallu beaucoup de temps pour me
rendre compte qu’en offrant davantage de
services sans frais, les profits augmentaient.
Lorsque les clients achètent une auto,
ils s’attendent à juste titre d’obtenir un
produit sans défauts. Malheureusement,
les autos dans les années 1970 et 1980
comptaient de nombreux défauts, mais
les fabricants n’autorisaient, dans le cadre
des garantis, que les réparations de pièces
défectueuses; on ne s’attendait pas à ce
que les concessionnaires améliorent les
véhicules neufs au point qu’ils dépassent
la norme de qualité du fabricant. Je suis
d’avis que nos profits ont augmenté (plus
de ventes en raison de la bonne foi) une
fois que j’ai autorisé l’atelier à en faire
davantage pour que les nouvelles autos
soient encore meilleures, même s’il fallait
ainsi offrir davantage de services sans frais.
Je ne peux pas quantifier cette hypothèse,
mais je crois fermement qu’elle est fondée.
Sur une base beaucoup plus large, on
dit que les mesures d’assouplissement
quantitatif adoptées par les banques
centrales dans les années 2000, ont aidé
nos économies à éviter une crise. Nous
ne saurons jamais avec certitude si nous
aurions subi une crise sans cette stratégie,
mais le risque de ne pas intervenir était
trop grand même s’il était impossible
de garantir la réussite dans un dossier
d’analyse.
Création d’un budget
La section chargée du budget s’inspire
des stratégies formulées par les experts
en fonctionnement ou les experts en
programmes pour réaliser les objectifs.
Dans le secteur public, les objectifs sont
approuvés par les élus dans le but de régler
un problème ou d’offrir de nouveaux
avantages au public. Par exemple, si
l’objectif était de réduire le nombre
de décès sur les routes, les stratégies à
préconiser pourraient être les suivantes :
a) une meilleure formation; b) des
tests périodiques pour s’assurer que les
conducteurs sont toujours aptes à conduire
et c) l’élimination des cas de conduite
en état d’ébriété en empêchant par des
moyens techniques les personnes de faire
démarrer leur véhicule ou un agencement
quelconque de ces trois stratégies. Une
fois qu’elle dispose de cette information,
une section chargée du budget peut alors
créer divers scénarios budgétaires qui
offriront une estimation des coûts de ces
stratégies.
Demander à une section du budget de
fournir les coûts qu’il faudrait engager
pour réaliser un simple objectif, sans
l’apport d’experts, mène toujours à
une mauvaise préparation de budget
et constitue une recette garantie pour
avoir des dépassements de coûts. Selon
mon expérience ou mes observations,
les dépassements budgétaires sont bien
souvent causés par une ou quelques-unes
des causes sous-jacentes ci-dessous :
1)
On n’a pas demandé l’avis des
experts en la matière.
Il faut, dans la plupart des projets, obtenir
l’avis d’un certain nombre d’experts en
la matière, habituellement les suivants :
des experts de programme particuliers
(juridique, judiciaire, en santé, en génie, en
sécurité); des experts du soutien indirect
(pour des domaines tels que la technologie
de l’information, les locaux, les ressources
humaines, la comptabilité); la haute
direction pour s’assurer que les stratégies
concordent avec l’objectif et des conseils/
contribution d’intervenants principaux
(tels que des groupes communautaires
locaux, des groupes de défense des
intérêts et des environnementalistes). Les
estimations de coûts seront probablement
faussées sans une contribution suffisante
de ces experts.
2)
Portée du projet élargie.
La portée d’un projet est établie en
fonction de l’objectif ou des objectifs à
réaliser, mais la discipline à s’imposer pour
fixer un objectif ferme dès le début n’est
pas chose facile, surtout pour les projets de
technologie de l’information. Combien de
fois a-t-on vu des projets de technologie
de l’information ayant pour but initial
d’intégrer plusieurs systèmes et dont la
portée s’est élargie à cause d’exigences
supplémentaires? Le
glissement de portée
,
comme on l’appelle, consiste en l’ajout
de nouveaux projets, bien souvent sans
autorisation ou avec une autorisation