PRINTEMPS 2014
JOURNAL IGF
*
FMI
35
CONNAISSANCES TACITES : EXPÉRIENCE DE LA BUDGÉTISATION DANS LES SECTEURS PRIVÉ ET PUBLIC – PERSPECTIVE D’UN PRATICIEN
limitée, chevauchant un projet approuvé
d’origine judicieusement conçu.
3)
Fonds pour les éventualités
insuffisant.
Habituellement, les détails d’une stratégie
évoluent de l’étape de la conception à
l’étape du plan à mesure qu’on consulte
des experts et que les détails se précisent.
Selon la pratique exemplaire, il faut
prévoir un fonds pour les éventualités dont
la taille diminue à mesure que la stratégie
prend de la maturité. Je ne connais
pas de lignes directrices uniformisées
qu’utilisent les sections chargées des
budgets pour établir ce qui constitue un
fonds suffisant. J’ai déjà réservé des fonds
pour des éventualités qui équivalaient à
50 % des estimations de coûts initiales et
ai réduit cette portion à un inconfortable
5 % avant la mise en œuvre du projet.
Par prudence, le fonds pour éventualités
devrait rester le plus élevé possible jusqu’à
la fin du projet. Des exigences imprévues
viennent toujours s’ajouter, peu importe
l’effort judicieux déployé au cours de
l’étape de consultation et de planification;
une section chargée du budget devrait
toujours prévoir l’inattendu et se doter
d’un fonds pour éventualités suffisant. Les
sections chargées des budgets devraient
s’exprimer honnêtement sur l’intégration
de tels fonds et être prêtes à défendre ces
fonds auprès des décideurs qui peuvent
proposer qu’on en réduise le montant.
4)
Délais insuffisants.
On presse toujours les décideurs
d’annoncer des développements novateurs
avant que les experts en la matière et les
spécialistes des budgets aient eu un délai
suffisant pour traiter les détails à l’appui
des annonces. Bien souvent, on sous-
estime de manière importante les coûts
d’achèvement finals dans les annonces
initiales relativement au projet. On
devrait inciter les décideurs à accorder
un plus long délai aux experts en coûts
pour permettre à ces derniers de définir
les détails ou inciter les décideurs à ne
pas inclure d’estimations des coûts dans
leurs annonces et d’indiquer que le plan
se trouve toujours à l’étape conceptuelle.
Autrement, s’il faut annoncer les coûts, il
faut prévoir un généreux fonds pour les
éventualités.
5)
Conception ou processus novateur.
Certains projets sont annoncés à l’aide de
technologies de pointe, et le processus de
développement peut être tout nouveau.
Le Boeing 787 est un bon exemple :
la conception technique de l’avion est
novatrice et son processus de fabrication
très décentralisé est très différent des
méthodes employées antérieurement.
La mise en marché initiale de l’avion a
été retardée d’environ trois ans et les
coûts de développement ont largement
dépassé le budget approuvé par le conseil
d’administration de Boeing en 2004.
Je n’ai pas l’intention de proposer des
réponses pour expliquer ce qui aurait pu
se passer – il est probable que les écoles de
commerce se serviront du développement
du 787 comme un cas d’analyse dans
les années à venir – mais je souhaiterais
formuler des commentaires sur la façon
dont une section chargée du budget
pourrait composer avec un tel changement
novateur. D’abord, Boeing a droit à tous
les éloges comme pionnier dans une
voie aussi nouvelle que celle-ci. Sans
de telles entreprises innovatrices nous
conduirions toujours des Ford modèle T.
Ensuite, une telle innovation peut s’avérer
cauchemardesque pour la personne qui
fixe le budget – il faut prévoir de très
importantes réserves pour les éventualités
(je veux dire aux alentours de 300 %),
puis voir si un tel développement est
justifiable en présentant aux décideurs une
série d’analyses de rentabilité fondées sur
des simulations. On évitera beaucoup de
tracas si on connaît les volumes d’équilibre
réalistes au moment d’approuver le projet.
La section chargée du budget existe
pour s’assurer que les décideurs du
programme agissent selon leurs moyens et
ne jettent pas l’entreprise en faillite. Les
cadres supérieurs ne souhaitent pas devoir
expliquer les raisons de l’échec. Vous devez
ralentir vos cadres supérieurs, les aviser
des risques financiers et des risques liés
à l’exécution, favoriser l’apport d’experts
de programme, surveiller le glissement
de portée et prévoir des fonds pour les
éventualités adéquats. Ne craignez jamais
d’aviser les décideurs des risques qui
peuvent planer.
BUDGÉTISATION
PAR INCRÉMENT ET
BUDGÉTISATION À BASE ZÉRO.
On établit des budgets selon deux
méthodes :
par incrément ou une
budgétisation à base zéro
. En réalité, on
emploie bien souvent un agencement des
deux méthodes.
Budgétisation par incrément
La budgétisation par incrément est
fondée sur le principe selon lequel le
budget de l’année précédente est précis.
On prévoit des augmentations au budget
de base de l’année en cours, notamment
pour les coûts à la hausse, comme des
accords d’indemnisation ou de nouveaux
programmes tels que des services non
financés dans le budget de base de l’année
précédente. Cette méthode comporte
des avantages et des désavantages. Bien
souvent, les désavantages sont plus
nombreux. Les avantages principaux
sont qu’on peut rapidement établir une
estimation des coûts sans avoir à connaître
à fond
2
les éléments du budget de base
existants. Il y a toutefois des désavantages.
Par exemple, en période de récession, les
occasions d’emploi sont moins nombreuses.
Les employés demeurent plus longtemps
dans leurs postes et gravitent donc peu à
peu vers le haut de l’échelle salariale. Par
conséquent, les coûts moyens prévus pour
le personnel dépassent les prévisions. Il
n’y a alors plus de fonds pour combler les
postes vacants ou l’employeur doit mettre
à pied du personnel s’il n’y a aucun poste
à combler. Si la réduction du personnel est
une stratégie de gestion intentionnelle dans
cet exemple, il serait dommage que cet effet
ne soit uniquement attribuable à laméthode
de budgétisation par incrément préconisée.
Comme on peut le voir, la précision d’un
budget établi selon cette méthode diminue
à mesure que les changements budgétaires
sont étalés sur le budget principal année
après année (à la hausse ou à la baisse).
La budgétisation à base zéro
Selon cette méthode, on part de zéro,
c’est-à-dire qu’on ne se fonde sur aucun
budget existant. Il faut identifier et
justifier tous les éléments à financer et
en évaluer les coûts estimatifs. Cette
méthode est exigeante en main-d’œuvre.
Il faut littéralement tenir compte de
tous les stylos et tous les crayons, mais
le résultat final est très précis. On a
habituellement recours à cette méthode
dans les circonstances suivantes :
➢
on crée le budget d’un nouveau
programme;
➢
la précision du budget est de rigueur
pour assurer la transparence des dépenses,
notamment pour les dépenses de voyage
des sénateurs;
➢
il faut examiner le budget de base
afin de trouver des économies à réaliser
2
Les sections centrales chargées des budgets
peuvent ainsi établir une estimation des
augmentations budgétaires sans avoir à divulguer
les augmentations aux programmes touchés
envisagés.